Notes prises lors de la conférence de Philippe Portier « laïcité en France, nouveaux enjeux, nouvelles questions » 19 01 17

Philippe Portier distingue la période avant le 17ème/18ème siècle, où nous vivons dans un monde saturé de religion, nous sommes des créatures en état de dépendance par rapport à un être qui nous a porté à la vie et envers lequel nous avons des devoirs. C’est le monde du sujet où l’on n’existe que par rapport à une norme supérieure et où la liberté est celle de suivre les commandements.

A partir du 17ème/18ème l’homme devient un être de droits : droit de penser, de circuler, de croire : qui se traduira par la déclaration des droits de l’homme en 1789. C’est une révolution mentale : la loi ne dépend plus de Dieu, mais de la volonté des hommes, elle est là pour assurer l’ordre.

Si nous ne sommes plus reliés à une loi uniforme, nous sommes à chacun notre propre maître, comment organiser la vie ensemble ?

Napoléon associe l’église à l’organisation de la société, sous l’influence de JEM Portalis (principal rédacteur du code civil) pour qui une société ne peut se construire indépendamment d’une certaine forme de moralité religieuse.

A partir de 1880, s’opère entre la république et l’église une séparation d’une part culturelle : nous n’avons pas besoin d’une base religieuse pour fonder une morale commune, elle repose d’abord sur ce que nous avons en nos cœurs, et d’autre part institutionnelle, ce qui fonde la nation est l’addition des raisons individuelles, en réaction à une institution catholique qui s’oppose à ce que réclame la modernité.

S’ensuivront la séparation de l’église et de l’école en 1880, les cours d’instruction morale et civique remplaçant les cours d’instruction morale et religieuse.

En 1905 est promulguée la loi de séparation de l’église et de l’état qui est une loi libérale qui affirme : la liberté de conscience (article 1), la neutralité stricte de l’état (article 2), la neutralité stricte dans les lieux publics (article 28).

Mais en 1905 l’espace privé est large, étendu à l’espace social, la rue est comprise comme un espace de liberté.

A partir des années 60, émerge à nouveau une logique de reconnaissance dans l’application de la loi (loi Debré qui accorde des subventions aux écoles privées).

Et à partir des années 80, on observe une sorte d’intégration des différentes composantes religieuses avec l’idée d’accepter et de reconnaitre les diversités de manière bienveillante et positive (comités d’éthique…).

Mais dès les années 90, les craintes que suscite l’islam poussent l’état à organiser la surveillance des cultes. L’état adopte une attitude hybride par rapport aux religions, il accepte la différence, mais veut la réguler. Derrière cette attitude, il y a l’idée que toute expression religieuse dans l’espace public porte atteinte à la vie en commun.

Poussée à un certain point la laïcité peut être incompatible avec les droits de l’homme : on est dans un monde où la cohésion sociale est plus importante que les droits individuels.

Comment organise-t-on le droit ?

1 on renforce l’ouverture à la pluralité, à la différence (subventions plus ou moins déguisées : réductions d’impôts..)

2 à condition que ce soit une différence raisonnable, (on accentue la surveillance)

Conclusion :

1- on a étendu les exigences de neutralité (les signes religieux extérieurs menacent la cohésion sociale) : l’espace social n’est plus considéré comme un prolongement de l’espace privé mais devient un prolongement de l’espace public de l’état. On assiste à une extension de l’espace public.

2- on redéfinit l’ordre public qui ne concerne plus seulement salubrité, respect des voisins, non violence des religions, tous éléments qui ont une signification matérielle objective, pour une vision immatérielle : aujourd’hui on considère qu’il y a atteinte à l’ordre public quand il y a atteinte aux exigences minimales de vie sociale : on impose à l’autre une norme morale fondée sur un ordre moral.