Notes prises lors de la conférence de Frédéric ROGNON « Religions et écologie » – le 30 mai 2023

Quelle est la légitimité des religions à parler ou à agir ?
Il faut éviter deux impasses :
– Voir le phénomène religieux comme hostile à l’écologie, anthropocentrique, cherchant à justifier la domination de l’homme.
– Voir l’écologie comme une religion, avec deux versants : le retour à un degré irrationnel de l’histoire de l’homme ou le retour au paganisme, néo-chamanisme.

Il faut sortir de la pensée raccourcie pour une pensée nuancée, dialectique : les religions ont un rapport ambivalent avec l’écologie, elles peuvent être des freins, mais aussi avoir des ressources précieuses pour penser l’écologie.

1 les principales religions et l’ambivalence de leur rapport à la nature.

– le bouddhisme : a une image favorable la plus écocompatible, du fait de ses valeurs d’harmonie, de détachement par rapport à la consommation, du renoncement à l’accaparement. Mais cette image est vue à travers le prisme occidental et le bouddhisme est pluriel ; malgré son image de paix, il y a eu des guerres entre bouddhistes. En Corée du Sud où les trois grandes religions coexistent, on observe une course folle à la croissance, même chez les bouddhistes.

– L’islam, vu comme peu écocompatible, notamment à cause du statut de l’animal (Aïd). Cependant il a des ressources : au Maroc existent des communautés très engagées dans la lutte contre la désertification, au nom de leur foi musulmane. Dans le Coran Dieu aime toute la création et la nature en fait partie.

– Le judaïsme : le verset 28 de Genèse 1 invite l’homme à dominer la terre mais ce verset peut s’interpréter comme ne pas dilapider, dominer comme un berger domine, garde, soigne son troupeau. Le v. 28 est entre le v. 27, où il est dit que l’être humain est fait à l’image de Dieu, qui aime sa création, et le v. 29 où il est dit que tous les êtres ont une alimentation végétale.
Ce verset est à mettre en relation avec le verset 15 du chapitre 2 de la Genèse où l’être humain doit « garder » la terre, mot identique pour « garder » les commandements de Dieu.
Il s’agit d’une dialectique à trois termes : liberté, responsabilité, amour mis ensemble.
Dans le psaume 8 l’homme domine sur la terre, mais en regard, les chapitres 38 à 41 de Job décrivent tous les animaux de la création, mais pas l’homme, pour rabaisser l’orgueil humain.

– Le catholicisme : l’encyclique « Laudato Si » du pape François (2015), publiée avant la COP 21, a des formules très audacieuses sur l’écologie intégrale qui ne doit pas laisser les hommes de côté. Mais le catholicisme a un angle mort sur la question de la croissance démographique. Il y a donc ambivalence, mais il faut nuancer, le peuple catholique ne suit pas systématiquement le magistère et les populations qui font le plus d’enfants ne sont pas celles qui polluent le plus.

– L’orthodoxie : Le Patriarche Bartholomée 1er est une grande figure de la théologie verte. Mais dans l’orthodoxie, les liens avec le pouvoir politique sont très importants.

Globalement les religions ont pris le train en marche, parce qu’elles ont des freins réels, mais ont aussi des ressources précieuses.

2 Le protestantisme

Exemple emblématique de l’ambivalence des religions.

1 Un article de l’historien américain Lynn White en 1966 porte une charge très sévère sur le christianisme : « le christianisme est la religion la plus anthropocentrique que le monde ait connue ». Il pointe en particulier les protestants : les premières dévastations, dégradations sur terre ont été réalisées par les Pays-Bas, la Grande-Bretagne, l’Allemagne du nord, les Etats-Unis. La justification du productivisme s’est faite en privilégiant un des pôles de la dialectique, la liberté, oubliant les deux autres : la responsabilité et l’amour, ce qui amène à nuancer la charge de Lynn White. Cette critique de Lynn White, interne au protestantisme, en appelle à une réforme et aux ressources qui permettraient de prendre en compte les défis de l’environnement. Il propose de prendre François d’Assise comme patron
de l’écologie.

2 Le capitalisme : 1er régime à dilapider la planète, cf. Max Weber.
Il y a des liens, une affinité entre protestantisme et capitalisme, mais pas une relation causale. Quels sont ces liens ?
La notion de prédestination : l’être humain est destiné à être élu ou damné, la réussite économique serait alors la preuve de l’élection divine et par conséquent le travail est devenu la valeur suprême dans certains courants calvinistes. Mais dans le même temps la consommation est dévaluée (on vit sobrement : ascétisme intramondain). L’argent qui s’accumule est alors réinvesti, donnant lieu au capitalisme.

Sobriété et capitalisme : il s’agit d’un certain courant du protestantisme, le puritanisme. Au bout de 2 ou 3 générations, le capitalisme n’a plus besoin de légitimation religieuse.

Si le capitalisme nait aux USA au 19 ème siècle, en même temps existent aussi des courants protestants anticapitalistes et sont créés les premiers parcs nationaux, émergent les luttes contre les barrages, les premières sociétés véganes… avec des personnalités comme Emerson, Thoreau, John Muir (presbytérien d’origine écossaise), pionniers de la nature à protéger.

D’autres régions non protestantes, des régimes économiques totalement opposés ont aussi dévasté leur environnement : URSS, Chine, Inde…

3 Les freins

Il existe dans la tradition protestante une tendance à mettre l’accent sur le salut individuel, la théologie protestante a plus travaillé sur le salut que sur la création. Dieu ne laissera pas sa création se déliter, interviendra (notion surtout présente chez les évangéliques qui tend à déresponsabiliser l’homme.)

L’idée aussi de ne pas suivre les mouvements à la mode, de rupture avec les tendances du monde. En 1989 à Bâle, la COE a pris en compte « justice – paix – sauvegarde de la création ». Les protestants français n’ont pas voulu rentrer dans cette démarche (l’agitation et le rire, ne rien faire et ne rien dire, pour montrer que l’on n’est pas inquiets). Jusqu’en 2014, silence
total.

4 Les ressources :

– l’ecclésiologie : « ecclesia reformata semper reformenda ». Chaque année, le synode réfléchit à nouveau frais à la réformation avec des questions nouvelles qui se présentent.

– le scoutisme unioniste : depuis 1910, à la suite de Baden Powell : éducation à l’entraide, base évangélique, immersion dans la nature, sensibilisation à la nature, faire face aux défis environnementaux : cf. Bernard Charbonneau, Michel Rocard, la maire actuelle de Poitiers, Léonore Moncond’huy,…

– les ressources scripturaires :
L’épître aux Romains Ro 8,18-23, « la terre souffre des douleurs de l’enfantement », le salut n’est pas seulement pour les êtres humains, mais pour toute la création.
Matthieu 10,29 : Dieu nourrit et embellit les animaux, les fleurs « il ne meure pas un seul de ces moineaux sans votre père »
1Corinthiens 12 : dans l’église, chacun a des dons, chacun est important. Charles Gide : vision d’interdépendance, tous sont importants, pas seulement dans l’église, il n’y a pas d’humain en trop.

– les ressources théologiques :
Jürgen Moltmann le prochain n’est pas seulement l’humain, élargissement de la conscience et du cœur. La bible affirme la supériorité de l’homme sur les animaux, mais l’homme a une responsabilité par rapport aux animaux (Théodore Monod, Albert Schweitzer). La bible assume un certain anthropocentrisme, l’homme voit le monde à partir de lui, mais a la
responsabilité de la nature. Valeur intrinsèque de chaque animal.

– Moltmann 1985, « Dieu dans la création » le Saint Esprit est la présence de Dieu dans la création, qui souffre quand la création souffre.

– les œuvres humaines sont toutes ambigües (Jacques Ellul) : il faut transgresser la religion technicienne, la technique est un moyen.
– l’espérance (Moltmann, Ellul) la différence entre espérance et espoir, c’est quand il n’y a plus d’espoir que l’espérance surgit, s’en remettre aux promesses de Dieu, « jamais rien ne nous séparera de l’amour de Dieu », espérance dans la promesse de Dieu, dans la présence de Dieu.

– question de la natalité

– EPUdF : synode de 2021 « écologie, quelle conversion ?»
L’Église fait acte de repentance pour ce que nous avons fait, silence et compromission. Elle retire son argent des banques qui ne sont pas claires du point de vue écologique. Elle crée un poste de chargé de mission pour travailler liturgie, catéchèse, formation, repas, transports, du point de vue écologique. Et tous les ans, faire le point sur ce qu’on a fait tous les ans, à chaque synode : suivi et évaluation.