Notes prise lors de la conférence de François Euvé « Religions et violence » 06 02 17

Les rapports de violence et de domination sont très présents dans la Bible et la violence est radicalement présente dans la condition humaine. Même après les Lumières la violence ne disparait pas, la connaissance et la technique l’apaisent, certes, mais elle est inhérente à l’homme.

La raison vient du grec Logos, elle est un préalable, une condition du dialogue et de la rencontre, de la paix. La raison commune à tous les hommes ouvre vers un espace commun : c’est la dignité de l’homme de pouvoir prendre conscience par la raison de la responsabilité envers toutes les vies humaines.

Que met-on sous le terme de religion ?

  • La foi est de l’ordre de l’intime. Il n’y a pas de démonstration sans risque de tomber dans le dogmatisme.
    • La notion de religion (Religare : relier) est ambivalente, à la fois porteuse de fraternité mais aussi d’opposition.

Le fondamentalisme devient une tentation forte aujourd’hui.

Le fondamentalisme renvoie au fondement, à ce qui fonde nos convictions religieuses : les textes fondateurs ainsi que les premières communautés qui ont vécu. L’Eglise catholique a opéré un retour aux sources, aux premières communautés chrétiennes après le Concile Vatican 2 (nous pouvons penser le salafisme en parallèle : le salafisme est un mouvement qui affirme suivre intégralement l’islam des générations fondatrices). Il est aussi important d’examiner ces choix de retour.

Qu’est ce qu’un texte fondateur ? Les textes sacrés sont souvent énigmatiques.
Le texte de la Bible, par exemple, nécessite une interprétation et même plusieurs : d’emblée les paroles fondatrices sont une traduction or la traduction nécessite une interprétation. L’interprétation est ce qui donne à parler autour du texte, ce ne peut être une répétition. On observe que la lecture de la Bible fait naitre des communautés autour de l’interprétation : les récits différents provoquent des rencontres différentes, alimentées par la pluralité d’expériences, pluralité fondamentale qui permet d’échapper au fondamentalisme.

Or d’une part, prendre la parole met en danger : la parole est vivante, elle travaille dans la conscience intérieure, la nourrit. D’autre part, à l’époque moderne, la science fait une lecture univoque des choses. Ces deux phénomènes encouragent la fascination pour le discours unitaire, la réduction à l’un. Car le discours unitaire, le fait de répéter, ne donne pas à penser, ni à parler, ni à vivre. Ces discours dogmatiques sont de même nature de ceux des régimes totalitaires.

Le fondamentalisme favorise la connaissance univoque, ce qui constitue aussi un paradoxe, dans le sens où nous vivons dans une démocratie où les revendications à la liberté de penser et d’expression sont fortes.

Monothéisme et violence ? le monothéisme implique-t-il un discours unitaire ou des lectures plurielles ? La rencontre peut avoir lieu entre les personnes porteuses de différentes convictions plus facilement qu’entre les religions. Cette rencontre, pour être féconde, implique la liberté de penser et d’expression, que chacun puisse exister en produisant et exprimant ses propres convictions. Ce qui importe est ce que la personne en dit (P Claverie).

En France la vie politique est autonome mais il faut faire dialoguer les différentes traditions spirituelles et de sagesse au sein d’espaces de réflexion (le comité d’éthique national fut créé en 1984 par le président Mitterrand). La laïcité peut se définir comme « le cadre légal qui préserve cette pluralité et permet le dialogue entre les personnes ». Le religieux est d’une manière générale, pour l’humain et la vie en société, une composante importante. Comment participer à une réflexion politique dans son ensemble à partir des traditions religieuses ? Les religions n’ont pas de réponses, mais peuvent inspirer des réponses que l’on trouvera par nous-mêmes dans le dialogue (écologie et encyclique Laudato Si). Origine ultime et irreprésentable, Dieu échappe à toute saisie conceptuelle. C’est une instance transcendante qui laisse place à d’autres instances. Un bon père est celui qui sait se retirer. L’homme est à l’image de celui qui n’a pas d’image. Mais l’homme est un être qui se fabrique des dieux et la Bible passe son temps à dénoncer les idoles. En quels dieux je ne crois pas ? Par opposition, l’individualisme c’est moi qui me fais moi-même : celui qui a construit la maison dans laquelle il est né.

Entre conscience irréductiblement personnelle et inscription dans une tradition que je prends à mon compte, c’est seulement si je suis moi-même que je peux entrer en relation avec autrui. Le dialogue vise à souligner l’unité de l’humanité. La pluralité est un encouragement à aller plus loin dans le dialogue. Le dialogue suppose l’affrontement : le résultat est positif si on est soi-même présent dans le dialogue. La Bible est un livre, récit qui nous donne à rencontrer une personne : en christianisme, la vérité est une personne, la vérité n’est pas un discours. Pour vérifier que l’on est bien en relation, il faut passer par le logos, la raison comme un terrain commun. Le signe par excellence est la parole.