Notes prises lors de la conférence de Jean Yves L’Hôpital « Umar Ibn al-Farid, poète et mystique » le 22 06 2017

Très peu de poètes ont atteint la célébrité de Umar Ibn al-Farid, surnommé « le prince des amoureux ». Sa poésie exprime un amour éperdu de Dieu et la plainte de celui qui n’arrive jamais à atteindre la vision de Dieu.

La vie de Umar Ibn al-Farid

contemporain d’Ibn Arabi, il est né au Caire en 566 de l’hégire (1181), dans l’Egypte sunnite. Il a passé 17 ans à la Mecque puis est retourné au Caire où il est mort et est enterré au pied de la montagne du Caire. Il mène une vie modeste, discrète, solitaire, très ascétique, très vertueuse. Toute sa vie il a cherché à pénétrer le sens profond du Coran. Marié et père de trois enfants, son petit fils Ali fera une bibliographie des œuvres de son grand père.

Le poète

Umar Ibn al-Farid écrit selon la tradition littéraire de son temps et utilise les images de l’amour profane en leur donnant un sens nouveau. Son œuvre poétique donne une idée de la façon dont il conçoit l’univers de Dieu et son rapport avec lui. Il parle de la Face Divine. Toute recherche mystique est d’abord une expérience personnelle de l’ordre de l’intuition et de l’effusion ; pour lui les gens de l’amour s’opposent aux gens des hadiths.

Il compare l’expérience de la quête mystique à l’ivresse du vin. Il s’ingénie à trouver des mots rares, obscurs pour décrire une expérience ineffable qu’on ne peut donc pas exprimer clairement. Il utilise la technique de l’allitération pour rendre la compréhension du texte difficile. Pour lui les mots sont un voile.

Le prince des amoureux

Umar Ibn al-Farid a inauguré une cinquième école théologique, le soufisme. Par rapport aux quatre écoles classiques de l’Islam, qui définissent l’organisation de la communauté suivant les différentes sensibilités au long de l’histoire, pour lui l’école de l’amour surpasse toutes les autres : l’amour du Bien Aimé est le maitre mot du désir de la contemplation de la face divine, qui implique la mort à soi-même.

L’union avec Dieu, le but ultime de la quête mystique

L’union physique exprime l’union mystique ; les parfums donnent un avant-goût du paradis. L’extinction du mystique en Dieu est une expérience qui est de l’ordre du désir ; l’esseulement est l’expérience habituelle du mystique qui devra se contenter de ce que Dieu donnera. Umar Ibn al-Farid voit dans l’apparente indifférence de Dieu un signe de sa présence.  Le mystique est un malade d’amour et à cette maladie, il n’y a pas de remède, on ne peut s’en remettre. Mais l’amoureux ne renonce pas, ce qui provoque une souffrance sans égale, car la vraie connaissance vient du cœur.

conclusion

Umar Ibn al-Farid fait une expérience singulière de Dieu, tant en soi que dans ses attributs. Nuit : Dieu n’existe pas mais l’expérience est là et quelque décevante qu’elle soit, elle existe. Rien ne peut être approprié de Dieu. Dieu est la seule réalité, par essence inconnaissable et incommunicable. Umar Ibn al-Farid remet en cause la mystique traditionnelle : la vraie voie est celle de la connaissance intuitive.

La structure sociopolitique reçoit sa légitimité de la structure théologique. La mystique est en dehors de ça et s’oppose à la certitude d’être dans la vérité théologique. La pensée du mystique est  fondamentalement de l’ordre du négatif ; le soufi, pénétré de l’idée que Dieu est essentiellement absent, pose toujours une question fondamentale à sa société et met en lumière l’incertitude totale de toute connaissance.

Umar Ibn al-Farid doute que le mystique atteigne jamais son objet, mais il lui reste l’intimité, l’image des amants qui même quand ils sont proches savent qu’ils sont loin. Le désir n’est jamais assouvi, mais un minimum de réalisation du désir lui suffit : le soufi fait l’expérience de Dieu présent absent en même temps.