notes prises lors de la conférence de Philippe Cornu, « le bouddhisme en Occident, pourquoi ? » le 8 juin 2018

Philippe Cornu commence par évoquer son cours d’introduction à l’histoire des religions à Louvain la Neuve. Les étudiants n’ont pas toujours beaucoup de connaissances sur le fait religieux et plus encore sur la phénoménologie du religieux : ce qu’est un rituel, une offrande, un sacrifice, un mythe … son but dans ce cours est de leur faire comprendre des choses qui vont servir dans la vie pour leur réflexion personnelle et pour regarder en eux. L’université est lieu de savoir, de connaissance, mais aussi de réflexion, de savoir réfléchir par soi-même.

C’est très important à notre époque car la rationalité triomphante de la modernité a annoncé le bonheur pour tous, consécutif à la disparition promise des religions. Or le bonheur n’est toujours pas là et le besoin de spiritualité est toujours présent dans l’homme, même si la spiritualité change de forme à l’heure actuelle. Le problème est que les grandes traditions n’en prennent pas vraiment acte et ne savent pas utiliser le tournant qui se produit. Les jeunes n’admettent plus les carcans des religions instituées qui leur dise comment vivre. Ils veulent vivre selon leur propre mode et partent dans tous les sens. Chacun se fabrique ce que Danielle Hervieu-Léger appelle la « religion émiettée ». Chacun prélève à droite, à gauche des éléments qui lui semblent importants pour se constituer spirituellement. Le problème est qu’il n’y a pas véritablement d’ossature.

D’une part, il y a des traditions bloquées dans une forme de  rigidité et qui « perdent des plumes » alors qu’en fait elles ont des choses à proposer et d’autre part, une spiritualité au-delà du religieux, évanescente, « plate et molle », pas vraiment révolutionnaire ni révolutionnant l’intérieur. Il est important de retrouver un équilibre entre les deux.

Le bouddhisme est une vraie tradition, restée suffisamment souple pour épouser toutes sortes de cultures très différentes entre elles sans perdre son fond : il s’est diversifié au niveau des méthodes. La forme se transforme en fonction des différents pays, mais le fond, l’enseignement du Bouddha, reste fondamental. Il y a des aspects du chemin qui vont varier en fonction de l’histoire, de l’histoire des idées, de l’histoire des pratiques, ce qu’on appelle les différents véhicules :

.le Theravāda qui se veut proche du bouddhisme originel, mais qui a évolué au cours du temps et est un bouddhisme moderne (Sud Est asiatique)

.le Mahāyāna, « Grand Véhicule » qui met surtout en valeur la compassion universelle et des valeurs philosophiques assez antithétiques avec les philosophies occidentales car il propose une philosophie de la vacuité (Chine, Japon, Corée, Viêtnam, Tibet, Mongolie)

.le Vajrayāna, qui est issu du Mahāyāna, qui est une forme plus pratique, plus technique, avec des yogas importants (Tibet, Mongolie, région Himalayenne, Japon).

Ceci a amené Philppe Cornu à réfléchir à ce qu’est une tradition. En Occident il y a la tradition chrétienne qui est une tradition solide. Cette tradition, il s’agit de l’enseigner de façon vivante, de ne pas se perdre dans la forme. C’est le problème de toute tradition : comment se maintenir d’une façon vivante sans se rigidifier au point de vue de la forme : la forme c’est le contenant, ce qu’il y a à l’intérieur c’est vivant, c’est quelque chose qui doit alimenter, donner la vie. Le point de vue spirituel réel dans une religion ce n’est pas l’institution, c’est l’essence spirituelle qui est transmise à travers la forme. La forme ne doit pas prendre le dessus parce que l’essence spirituelle est l’essence spirituelle de l’esprit humain qui accède à la transcendance. C’est ce qui compte dans la transmission mais elle ne peut se faire s’il n’y a pas de récipients pour transmettre de génération en génération. Il faut donc les deux.

Le récipient ne doit pas « se bétonner ». Quand une tradition a peur, elle devient fondamentaliste, c’est la rigidification de la forme à tel point que la forme emprisonne le contenu spirituel et l’étouffe. Un fondamentalisme ou un intégrisme est une religion qui est en train de mourir. Ce qui compte dans la religion est que ça touche les gens, que ça leur fasse un retour au plus profond d’eux-mêmes. C’est un cheminement spirituel vers l’être fondamental de l’individu.

S’il n’y a pas de cheminement, si on propose seulement des rites, des discours et des obligations, une éthique que les gens ne comprennent pas, les gens se détachent des traditions et vont vers quelque chose d’autre, mais qui n’a pas encore véritablement de forme et qui se cherche. C’est la période actuelle en Occident et cette interrogation spirituelle, qui ne trouve pas de réponse dans les traditions anciennes ni vers quelque chose de cohérent qui semble prendre place, va de pair avec une société de plus en plus individualiste, isolée, avec une communication distanciée et de pair avec une globalisation généralisée qui n’a que faire des cultures et des religions : le néolibéralisme, qui est en train de dissoudre tout ce qui est humain. On est un peu dans la même posture que l’empire romain quand il commence à vaciller et que le christianisme est arrivé au bon moment pour proposer aux gens un salut individuel et un dialogue avec la transcendance.

Est-ce que le bouddhisme réussit quelque chose aujourd’hui que le christianisme n’arrive plus à faire ? Ce n’est pas l’avis de Ph Cornu qui pense qu’il y a autant de difficultés aujourd’hui pour le bouddhisme que pour le christianisme. Pourquoi ?

Est-ce que les asiatiques ont réfléchi à la manière de transmettre le bouddhisme en Occident ? Il semblerait que non. Ils n’ont pas su adapter un discours, adapter l’aspect formel ou trop culturel de leur enseignement et après l’engouement exotique, les gens se lassent. Il y a usure.

Les japonais ont largement allégé leur forme, mais le bouddhisme japonais en Occident est très simplifié par rapport à celui pratiqué au Japon (beaucoup de méditations et peu de rituels en Occident / beaucoup de rituels et peu de méditations au Japon). Le zen japonais est en « panne sèche ». Le Bouddhisme Theravāda a toujours eu une place modeste. Le Bouddhisme tibétain se tasse aussi.

Les gens qui ont choisi le bouddhisme ne l’ont pas fait en réaction par rapport au christianisme, mais parce qu’ils cherchaient une forme de spiritualité qui ne tombe pas dans certains dysfonctionnements qu’ils rejetaient chez eux, il y a des agnostiques qui sont devenus bouddhistes.

Il faut constater qu’il y a usure et que les gens se tournent vers la « mindfulness », la méditation de pleine conscience, la méditation laïque qui ne proposent que des spiritualités de confort, qui ne sont pas des spiritualités mais proposent les bénéfices de la spiritualité (méditation antistress…). Il y a une instrumentalisation de la spiritualité. Pourquoi parler de méditation laïque ? pour déspiritualiser les méthodes issues d’une voie spirituelle pour les réutiliser comme un outil, pour la rentabilité pure.

Voilà la situation actuelle, et les gens doivent réfléchir à ce qu’est une spiritualité, ce qu’elle peut réellement apporter dans la vie et ce qu’elle n’apporte pas. Ça ne rapporte rien d’un point de vue comptable : elle nous propose de nous dépouiller de ce qui est superfétatoire, de regarder autrement que de constituer une vie sur l’avoir, de revenir ver l’être. Ce n’est pas en collectionnant les techniques spirituelles que l’on va passer de l’avoir à l’être. Ça n’engage pas l’être dans son for intérieur. La spiritualité ne se consomme pas, cela doit être une sorte d’appel intérieur, quelque chose qui montre que dans nos vies on a besoin de comprendre ce que nous sommes, ce que nous faisons sur terre, quel est notre rapport réel aux autres, quelles sont les expériences de notre vie et qu’est-ce qu’elles nous apportent, même quand elles sont douloureuses, comment s’interroger quand nous traversons une épreuve, comment transformer une situation en quelque chose qui nous donne un peu plus de sagesse… cela veut dire un dépouillement d’un certain nombre d’habitudes, un changement radical à l’intérieur de soi-même, un changement de regard sur le monde, sur soi-même et sur les autres.

Si on fait juste du développement personnel, on est dans la consommation de techniques (le yoga est devenu une gymnastique, alors qu’il est fait pour comprendre ce que nous sommes). On est capable d’aller sur la lune, mais qui est capable de regarder à l’intérieur de lui ce qu’il est vraiment, de regarder son esprit et de ne pas coller aux soucis qui l’empêchent de dormir ? Il est important pour nos contemporains, qui sont tout le temps sollicités, projetés vers l’extérieur de commencer à regarder à l’intérieur, de revenir vers soi. Si on ne comprend pas ce qui se passe en nous, si on ne comprend pas son esprit, on ne peut pas comprendre les mécanismes des autres, on est toujours dans le jugement. On connait les émotions, mais on ne sait pas quels sont les mécanismes derrière. Il y a un travail à faire et cela fait partie des chances de la survie de l’humanité si on commence à regarder autrement les choses.

Un grand maitre tibétain disait : le « samsara » (notre façon de voir conditionnée, l’existence douloureuse) est l’esprit toujours tourné vers l’extérieur, le « nirvana » (l’apaisement fondamental) c’est retourner l’esprit vers l’intérieur, ce n’est pas s’enfermer sur soi, c’est comprendre le fondement de notre être et comprendre le fondement de tous les êtres. Une fois que l’on a fait retour sur soi-même il est temps d’aller vers les autres.

Le bouddhisme (terme inventé par un français en 1817) est une religion, il a tous les éléments du religieux : la foi, les rites, les offrandes, la dévotion, des textes canoniques, des dogmes ; il est nécessaire qu’il y ait des idées maitresses, un fondement sur lequel on peut s’appuyer.

Le bouddhisme c’est quelqu’un, le Bouddha, né il y a 2500 ans, qui s’est interrogé sur la souffrance. Il est né fils de chef de tribu ou de prince, élevé dans la suavité d’un monde où tout se passe bien. 4 rencontres (un malade, un vieillard, un mort et un ascète) ont décidé de son renoncement au monde, pas parce que le monde est mauvais, mais le renoncement au mécanisme qui fait que le monde est douloureux. Ce sont les conditionnements propres à l’esprit qui font que ce monde est douloureux. Il a compris tous les mécanismes de la souffrance, tout ce qui faisait que les êtres engendraient eux-mêmes la souffrance par leur comportement et surtout par leur saisie de l’existence (c’est la saisie de l’existence qui est problématique, le fait qu’on veut que les choses soient solides, ne bougent pas, pour se rassurer).

Le message du Bouddha pointe l’attachement consécutif au désir : le désir d’existence, le désir de se protéger, de durer, choses qui sont totalement illusoires car rien ne dure :

l’impermanence est le premier point de l’enseignement du Bouddha : « tous les phénomènes conditionnés sont impermanents », car ils sont constitués par des causes et des conditions convergentes dans l’espace et dans le temps (et ces causes et ces conditions peuvent venir de très loin si on admet qu’il y a plusieurs vies). Un phénomène conditionné est né à un temps t, à un lieu donné, il va se combiner avec d’autres phénomènes, il va devenir condition de nouveaux phénomènes qui vont se produire et ce faisant il se détruit. Ce que nous considérons comme une durée, ce n’est qu’une induction mentale, pour des phénomènes qui sont des processus qui s’écoulent continuellement.

L’idée dans le bouddhisme est qu’il n’y a pas de substance. Quand on parle de vacuité, cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien, il n’y a que des processus dynamiques. Si nous sommes un processus dynamique, comment s’accrocher à notre moi, à nos habitudes, à nos possessions ? notre corps se transforme constamment. Qu’est-ce que la mort ? c’est la désagrégation des conditions qui avaient contribué à notre existence. Rien n’échappe à la désagrégation. Ce que l’on croit durable et éternel ne l’est pas (disparition des abeilles…). L’impermanence est à chaque instant et si on ne le voit pas, on se saisit des phénomènes comme s’ils étaient permanents, et comme ils ne le sont pas on souffre. On développe des stratagèmes pour garder ce que nous avons, mais ça nous échappe.

– Le deuxième saut « tous les phénomènes conditionnants sont source de souffrance », tous les mécanismes que nous mettons en place pour ne pas voir la réalité, ça nous conditionne et ce conditionnement nous mène « droit dans le mur ». On ne peut pas faire l’économie d’être vivant et de regarder ce que nous faisons au fond de nous-mêmes. On se réveille et on regarde vers l’intérieur pour voir si on est en adéquation avec la réalité.

– Le troisième saut nous dit « tous les phénomènes (même l’absolu) sont dépourvus de soi ». Les phénomènes ne sont pas limitables par une essence, par une substance, par une quelconque réification. En classifiant les phénomènes, on conceptualise, on habille le monde avec nos concepts, on ne voit plus la réalité, il y a conditionnement. Les concepts ne sont pas valables pour chaque situation, chaque situation est subtilement différente. On regarde les phénomènes mais on ne voit que l’image, on ne voit jamais l’essence d’un phénomène, pour le bouddhisme on se demande « y a t-il réellement une essence ? si on ne la voit jamais. »

Il y a une différence de conception entre le monde occidental et le bouddhisme : en Occident, si on regarde la transformation d’un grain de riz, on considère qu’il y a une continuité du phénomène et des variations d’aspect du même phénomène, il y a réification du phénomène.

Dans le bouddhisme, on considère que toutes les transformations du grain de riz sont des phénomènes distincts et successifs qui sont corrélés dans une série. On ne peut pas dire que c’est un seul phénomène car cela présuppose qu’il y a une essence dans le phénomène. Il y a impermanence et c’est un préjugé que de considérer que c’est un même phénomène, ou plutôt c’est une option philosophique, une décision mentale, une décision de notre esprit de croire en une certaine réalité plutôt qu’une autre. On voit tout comme un processus et dans ce processus, jamais on ne peut cerner l’essence de quelque chose.

Ce qui ne veut pas dire que les choses ne se produisent pas, les choses se produisent, les choses sont vivantes, les choses se manifestent, nous sommes en train de vivre, nous ne sommes pas un néant. Les choses sont vacuité, mais elles se manifestent et la manifestation est l’expression même de la vacuité. Et l’absolu lui-même, c’est-à-dire la nature fondamentale de notre être [Dans le bouddhisme la transcendance n’est pas séparée de l’immanence, il y a une transcendance en chacun de nous, en Occident la transcendance est séparée de ce qui est créé à partir de cette transcendance : créateur/ créature.] n’est pas autre chose qu’un vide lumineux. C’est-à-dire que notre véritable nature est vacuité et luminosité. La luminosité c’est notre faculté de dynamisme et d’expression et ça n’a pas besoin de reposer sur une essence, c’est pourquoi on parle de vacuité. Cette vacuité luminosité de l’esprit porte toute la sagesse du monde.

Nous avons la sagesse en nous, mais nous ne savons pas la voir et c’est pour cela qu’il faut regarder en soi-même pour découvrir véritablement ce que nous sommes, déjouer les pièges de notre fausse identification c’est-à-dire le sentiment du moi : nous nous identifions à une construction mentale qui est juste là pour nous rassurer sur notre existence, parce que nous ne savons pas ce que nous sommes. On construit un objet qu’on appelle le « moi » et auquel on s’identifie. Dans le bouddhisme le « moi » est une conception mentale, un concept, qui a une utilité pratique. Quand on regarde à l’intérieur de soi-même, on découvre une source de confiance indestructible car elle n’est pas une construction, elle est une expérience directe, que l’on fait quand on fait vraiment de la méditation. La méditation c’est la découverte de notre vraie nature et quand on a découvert notre vraie nature, elle est d’une puissance infinie, étant donné qu’elle n’est pas limitée par un quelconque concept et que nous avons une source en nous d’amour absolument incommensurable, à condition de toucher le fond de notre être.

Maitre Eckart disait il faut aller dans le néant de la créature (l’absence de « moi »), aller dans « le fond sans fond » dans l’intériorisation, rencontrer le néant de Dieu, parce qu’en se dépouillant de soi-même on parvient à la rencontre au fond de soi-même du Fils (Jésus Christ) qui, à ce moment là, se manifeste en nous. Si on ne laisse pas la place pour que Dieu se manifeste en nous, il n’y a aucune raison qu’il se manifeste.

En bouddhisme, ce n’est qu’en laissant la place en nous-mêmes, en oubliant toutes nos croyances erronées par rapport à l’être, à l’existence, en étant paisiblement au fond de soi-même dans cet espace vide et lumineux que l’on découvre la source de toute manifestation et alors ce qui jaillit du fond de nous-mêmes est nécessairement un amour incommensurable (compassion) pour tous les autres. La vacuité bouddhique se manifeste à travers la compassion. Ce n’est pas le néant, c’est l’absence de détermination spécificatrice, un espace ouvert, vacant au fond de nous-mêmes, extrêmement profond, paisible, sans complications, dans lequel se trouve notre intimité véritable, et cette intimité c’est l’amour ou la compassion. C’est cela l’essence de la vie, s’il n’y a pas d’amour dans la vie, cela ne vaut pas grand-chose. L’amour n’est pas la saisie. Quand on saisit un être, on en fait un objet et ce n’est plus de l’amour et ça nous fait souffrir et ça fait souffrir l’autre.

Le bouddhisme c’est intérioriser complètement notre rapport avec nous-mêmes, à chaque fois que nous réagissons dans le monde à toute situation, se dire qu’est-ce qui se passe, à chaque instant, essayer d’être honnête avec soi-même, ça fait partie du processus de cheminement spirituel. Si on ne se dépouille pas de tout ce qu’on se raconte, il y a peu de chances d’atteindre un niveau de réalité qui soit la réalité en tant que telle et on fuit la réalité. Mais ça dépend de nous, il n’y aura pas de punition extérieure, c’est nous qui nous l’infligeons et créons les conditions futures de notre souffrance ultérieure. Il n’y a pas de faute en tant que telle, il y a essentiellement de l’ignorance. Et l’ennemi à vaincre c’est l’ignorance qui est un manque de connaissance intime de ce qu’est la réalité. Le bouddhisme est une voie de la connaissance.

Beaucoup de chrétiens voient dans le bouddhisme un gnosticisme. Pour celui-ci le monde est mauvais et l’esprit doit s’arracher à la matière pour retourner vers Dieu. Ce qui est opposé à la compréhension chrétienne qui est une religion de l’incarnation. Le bouddhisme ne dit pas que le monde est mauvais, mais que c’est notre représentation du monde qui est erronée, c’est nous qui nous trompons. Ce n’est pas le monde qui va mal, c’est nous et ce que nous voyons du monde c’est notre projection, c’est la projection que nous avons à travers nos conditionnements, qui nous empêche de voir la réalité des choses. Et c’est ça le problème fondamental de l’humanité et de tous les êtres.

Ce qui est important pour nous est de comprendre ce que nous faisons là et est-ce que ça a un sens de gesticuler comme nous gesticulons dans nos existences, est-ce que nous voyons vraiment une finalité à ce que nous faisons et est-ce que nous voulons vraiment voir ce qu’est la nature fondamentale des choses et être en harmonie avec cette nature fondamentale ? Si nous arrivons à relever le défi, alors il y a une possibilité de libération de toute la souffrance. Cela ne va pas rejaillir sur tout le monde tout de suite, il faut d’abord éradiquer les mécanismes de la souffrance dans notre esprit, c’est tout le travail spirituel qui est à accomplir et quand on commence à y voir plus clair, on voit pourquoi et comment les autres souffrent et on peut les aider à regarder pour éradiquer leur propre souffrance, mais on ne peut pas le faire pour eux. Le bouddhisme prend les gens là où ils sont, comme des adultes qui prennent leur vie en mains, ça s’adresse à chaque individu. Il faut que chacun fasse son chemin, aidé par des compagnons et des maîtres qui ont un peu plus d’expérience. Mais ces maîtres ne sont pas des sauveurs, ce sont des êtres humains.

Si le bouddhisme nous donne des clés pour nous libérer de la souffrance et aider les autres à se libérer par le jaillissement de la compassion en nous, c’est cela qui est l’intérêt du bouddhisme pour l’Occident. Ce n’est pas incompatible avec les autres traditions et il faut réfléchir ensemble pour comprendre que l’humanité a besoin d’une spiritualité authentique, que celle-ci soit chrétienne, bouddhisme, judaïque, islamique, hindoue… ce qui est important est qu’elle soit authentique et permette aux gens de cheminer. Le bouddhisme est une solution pour l’Occident parmi les autres, à condition d’être bien compris et si les gens savent utiliser ses préceptes pour se transformer. Ce n’est pas pour aller mieux, mais c’est pour le bien de tous les êtres.

Est-ce qu’on veut comprendre la nature de l’existence, c’est ça l’enjeu. Est-ce que notre vie se réduit à la survie matérielle ? Qu’est-ce la mort ? est-ce une fin ? et s’il y a quelque chose après il faut se poser la question de savoir si ce n’est pas tributaire des conditionnements que nous mettons en place maintenant ? la solution à l’heure actuelle c’est d’expliquer, c’est le rôle de toute personne qui a une connaissance à l’intérieur de sa spiritualité de l’expliquer réellement aux autres. Il faut expliquer, clarifier si non les religions ne servent qu’à abrutir les gens. Si ce n’est qu’une convention sociale sans travailler intérieurement, à quoi ça sert ? Où est l’expérience intérieure ?